Merchandising : quel avenir ?

D’habitude je commente, là, je vous laisse juger « sur pièce » ! J’ai juste ajouté quelques visuels.

Voici l’article, tel quel, des échos d’hier (12/12/13), par Philippe Lachaize –Associé Secteur Retail & Supply Chain, Stanwell Consulting et Marc Lemarignier – Président, Layline Consulting, intitulé : 

Merchandising : un vecteur essentiel de la transformation du secteur retail.

Le merchandising sera de plus en plus sollicité pour tirer la quintessence des révolutions liées au cross-canal et pour s’impliquer dans le sujet de l’efficacité opérationnelle.

graficiLa mission attribuée au merchandising est sans ambiguïté : développer le chiffre d’affaires en conjuguant un assortiment potentiellement infini avec une surface forcément limitée. C’est incontestablement un défi quand on sait que le chiffre d’affaires au m² des distributeurs peut varier du simple au triple (d’environ 5000€/m² à presque 15000€/m² pour les GMS*). Si ces différences sont significatives, elles ne s’expliquent pas seulement par l’emplacement, on peut s’en convaincre en regardant le Printemps et les Galeries Lafayette qui présentent un écart de 20%, ou par la vocation puisque Décathlon et Go Sport arrivent eux à un écart de 40%. Le chiffre d’affaires par m² est le résultat d’un grand nombre de facteurs dont bien sûr l’assortiment et la localisation mais aussi des caractéristiques du point de vente lui même, de son ambiance, de l’implantation générale, de la façon dont sont présentés les produits et parfois le service associé sans parler de l’image véhiculée par la communication traditionnelle et sur le net.

Un des dirigeants du secteur de la grande distribution déclarait récemment : « Les clients fréquentent un magasin avant tout parce qu’ils aiment les produits qu’ils y trouvent». Depuis les années 90, on a cessé de pousser des produits vers les clients (vendre ce qui a été acheté) pour coller de plus en plus à leur demande (acheter pour satisfaire un besoin). Ceci a notamment conduit à la conception d’univers rapprochant des produits auparavant répartis selon une logique « industrielle » dans le magasin. Cependant, toutes les enseignes peuvent potentiellement proposer le même assortiment, acheter et/ou faire fabriquer les mêmes produits.

referencementC’est l’un des effets de la globalisation qui a vu émerger en Asie des entreprises dotées de bureaux de design, capables de concevoir, prototyper et produire en série à une qualité et à des prix compétitifs. Il est donc incontestable que l’offre produit, la stratégie de référencement sont des éléments clés de différenciation et d’attractivité pour le client. Le client, informé, mobile et multicanal qui s’adonne au showrooming (peut-être 20% des consommateurs**), et se rend en magasin pour faire l’expérience d’un produit, comparer éventuellement les prix depuis son mobile, puis enfin l’acquérir en ligne. Le même dirigeant ajoutait « Ils n’y viennent pas pour son enseigne ou son carrelage » ; il s’agit cette fois d’un point de vue plus discutable, car si tout le monde (clients et commerçants) a potentiellement accès à toute l’offre, faire venir un client dans son magasin ne va pas de soi et l’image de l’enseigne ainsi que l’ambiance de ses points de vente sont des éléments clés.

Les choix des consommateurs évoluent constamment en fonction des conditions économiques et des tendances sociétales. C’est pourquoi les enseignes renouvellent les espaces de vente pour accompagner leurs clients et s’adapter au développement des nouvelles technologies.

On peut faire plusieurs constats sur la situation actuelle du merchandising :

– Dans les faits, le merchandising est une compétence transverse qu’on retrouve, à des degrés divers, dans la communication, le marketing, le commerce, en centrale d’achat, dans les points de vente et chez les fournisseurs. On pourrait dire de façon caricaturale que si le merchandising est partout, il n’est nulle part. Car la mise en cohérence des objectifs et des moyens devient un défi et au final, la mesure de l’efficacité du merchandising, se confond avec celle de l’enseigne.

mercedes-benz_nyc_store– Aujourd’hui on parle principalement des éléments les plus spectaculaires, c’est à dire les nouveaux concepts magasin. La mise en scène des « flag ship » des grandes marques fait d’ailleurs intégralement partie de la stratégie de communication des enseignes. Ces réflexions sont tirées par la stratégie de la marque avec l’appui d’agences de communication et dictées en grande partie par la nécessité de s’adapter aux bouleversements provoqués par le e-commerce.

– Il y a un risque, avec le développement d’outils (plano-grammes, store planning) et l’accès à des données clients de plus en plus importantes, de cantonner le merchandising au traitement de données et à l’optimisation des linéaires « en chambre » avec perte de contact avec le client. Sur ce dernier point la multiplication des sources d’information et l’approche « big data », qui vise à traiter toutes les informations disponibles sur les comportements de ses clients via des bases de données de plus en volumineuses et hétérogènes sera un facteur de changement dont les conséquences sont encore difficiles à évaluer. Cependant, la compréhension des tendances, la connaissance des comportements des segments de consommateurs se réconcilient pour chaque enseigne par « l’intuition » du compromis qui va séduire les consommateurs et provoquer l’acte d’achat.

– Autour des plano-grammes, des choix implicites s’opèrent sans soucis de l’optimisation d’ensemble. La décision d’attribuer un emplacement à un produit a plusieurs impacts immédiats. Il a un effet sur les quantités vendues, sur les coûts de réassortiments, sur la périodicité et la préparation des livraisons. La réflexion est aujourd’hui presque exclusivement tournée vers le premier point : optimiser les ventes et éviter les ruptures. La prise en compte de la supply chain sur l’optimisation d’ensemble est rare sauf quand on développe un modèle sans réserves et donc sans possibilités de stockage autre que le linéaire (Tesco, Office Dépôt).

reseaux-sociaux-cross-canal– Le « cross canal merchandising », qui est la capacité à articuler le merchandising internet avec celui des points de vente, est encore largement en friche. Les organigrammes montrent à quel point les équipes travaillent en ordre dispersé avec pour seule contrainte le respect de la politique de pricing de l’enseigne.

Dans la littérature spécialisée, le merchandising est partout, le design des points de vente, le mobilier, l’implantation, et bien entendu les linéaires, mais nous pensons que le merchandising n’est pas tout cela. Pour s’en convaincre il suffit de regarder les effectifs dédiés, il n’est pas rare de trouver des équipes de deux ou trois personnes pour plusieurs centaines de points de vente. Le merchandising est un thème transversal qui s’exprime dans des processus plus ou moins formalisés et des interfaces plus ou moins naturelles, selon la culture d’entreprise, avec les achats, les « cat man », l’exploitation, la supply chain et les fournisseurs.

Le marketing de la marque fait un travail de plus en plus sophistiqué comme en témoignent les nouveaux concepts magasins, le commerce a accès à des données de plus en plus précises sur les clients, la logistique (entrepôts et transport) est en optimisation permanente, le commerce en ligne se développe rapidement, et le merchandising, dans le sillage du marketing, est en effet encore souvent sous-dimensionné alors qu’il est au cœur de la transformation de l’entreprise.

Le temps est sans doute venu de « couper le cordon » avec le marketing dont le merchandising est issu pour acquérir une autonomie susceptible d’augmenter sa valeur ajoutée et de lui donner les moyens de peser sur les enjeux liés aux flux « physiques ». Ceci est une option qui va à l’encontre de la culture ambiante, mais certaines enseignes qui cherchent à optimiser les m² et les m3 en magasins, sont en mouvement vers une nouvelle organisation, qui reste encore à inventer et à adapter par univers de consommation et par entreprise.

*Ces ratios sont indicatifs, car le numérateur pose quelquefois des problèmes de périmètre, et le dénominateur est une donnée pour laquelle on ne dispose pas toujours des éléments permettant une évaluation précise des surfaces strictement commerciales.
** Etude aux États-Unis par Harris Interactive pour Aprimo du 16 au 18 Octobre 2012 parmi 2025 adultes âgés de 18 ans et plus.

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A. Casseleux, dirigeant square 90.