Les caisses libre-service, nouveau levier de croissance ? Entre réduction des frais d’exploitation et optimisation des ressources humaines, sans oublier le gain de temps en file d’attente, elles ont tout pour séduire en temps de crise.
On dénombre environ un millier de caisses automatiques – ou libre-service – aujourd’hui en France, soit 1 à 2 % du marché. Si elles sont bien implantées aux Etats-Unis, où la plupart des magasins en sont équipés, nous n’en sommes en Europe qu’aux prémices. Les pionniers sont les Anglais, qui ont d’ores et déjà installé 6 000 à 7 000 automates.
Tesco a, par exemple, déployé des Fastlane de NCR dans plus de 450 points de vente en Grande-Bretagne et Irlande.
Selon BBC Research, la croissance mondiale du marché est de 17 % et serait « au moins deux fois plus importante en France », selon Jean-Marc Zeitoun, directeur des activités distribution pour NCR France. « Surtout, les distributeurs français ont une approche intelligente, en fonction des profils du marché », se félicite-t-il.
Même constat chez Wincor Nixdorf : « Le marché hexagonal dispose d’un grand potentiel. Il devrait se développer fortement dans les deux à trois ans à venir car ces investissements ont un ROI rapide », analyse Laurent Houitte, directeur marketing retail du fabricant.
Soit, idéalement, de douze à dix-huit mois pour des machines coûtant entre 10 000 et 20 000 €.
« Face à la baisse du pouvoir d’achat et au ralentissement économique, les enseignes doivent réduire leurs frais d’exploitation et optimiser leurs ressources humaines », souligne Jean-Marc Zeitoun. Elles emploient surtout, selon Nicolas Sautier, directeur marketing chez Fujitsu, de nombreuses hôtesses dont les disponibilités et la gestion des horaires constituent une véritable problématique.
« Le développement des caisses LS permet aux distributeurs de gagner en souplesse dans la gestion du personnel, notamment pendant les périodes de grande affluence », poursuit Laurent Houitte.
En prime, cela pourrait s’avérer une solution opportune pour des ouvertures plus tard le soir ou le dimanche. Et les hôtesses, mobiles entre plusieurs caisses, peuvent faire davantage de conseil et d’assistance – surtout durant les premières phases de déploiement –, mais aussi de fidélisation. Une seule hôtesse peut ainsi gérer l’assistance à la clientèle pour quatre machines de type self check-out (SCO), c’est-à-dire permettant au client de scanner ses produits, puis régler par lui-même.
Gain de temps en file d’attente
Et si certains sont encore réticents et préfèrent le contact humain, ils pourraient être convaincus par le gain de temps en file d’attente, une préoccupation prioritaire pour la plupart d’entre eux. « Selon les premières études, les automates sont utilisés par tous types de clients, quel que soit leur âge ou leur environnement, déclare Jean-Marc Zeitoun. En outre, l’objectif n’est pas de remplacer toutes les lignes de caisses, mais seulement une partie. » Contrairement aux Etats-Unis, où l’on trouve des points de vente entièrement équipés comme Fresh & Easy, le premier magasin signé Tesco 100 % LS avec 4 SCO panier et 4 tapis.
« En France, les distributeurs testent le système en installant en moyenne 10 % de caisses pour les grands hypers, note Nicolas Sautier. Seules quelques expériences montent à 40 %. » Exception : l’Intermarché de Rennes Longchamps et ses 40 caisses automatiques sur 50 : 8 SCO en place depuis deux ans (4 paniers, 4 tapis) et, depuis juin dernier, 32 caisses “chariot à chariot” développées par IBM. Objectif de Christian Legendre, le propriétaire ? Une hausse de 30 % du CA.
Mixer les différentes solutions
Car voilà l’enjeu : réorganiser les lignes de caisses en mixant les différentes solutions existantes en fonction des caractéristiques de chaque magasin : SCO, self-scanning, scanning par une hôtesse et paiement sur automate, solutions chariots ou paniers, encaissement mobile, paiement sans contact, cash management… L’objectif étant, évidemment, d’optimiser la rentabilité de la surface, la productivité au paiement et les flux de clientèle.
Résultat, les commandes affluent – notamment de SCO panier –, à la plus grande satisfaction des fournisseurs, qui voient là un bon remède pour traverser la crise et le gel des investissements touchant d’autres types d’équipements. La Fnac, Home Depot, Castorama : les GSS s’y mettent et emboîtent le pas aux GSA.
En la matière, Carrefour vient d’ailleurs de signer une commande record – le plus gros projet européen en retail, avec le déploiement prévu de 1 000 à 1 500 caisses panier sur deux ans en France.
Voilà qui devrait pousser la concurrence encore hésitante à accélérer le processus.
La phase pilote semble donc révolue.
Place aux déploiements !
- Casino a installé 430 SCO d’IBM en à peine un an et demi
- Auchan 500 caisses auto dans 150 hypers
- Système U, la moitié des SCO, qu’il est prévu d’implanter au rythme de 10 magasins par mois sur 800 unités (migration de 10 % des caisses), est en place. « Ces caisses LS peuvent se substituer aux caisses rapides, qui représentent de 5 à 10 % des lignes d’un super ou d’un hyper, mais au-delà d’une quinzaine de produits à scanner (soit 2 à 4 sacs de caisse), l’astreinte du client est trop importante,analyse Nicolas Sautier. Ce format convient donc bien aux supérettes de ville et aux magasins de proximité, où les paniers moyens contiennent peu d’articles. »
- Leroy Merlin déploie aussi des caisses LS parallèlement aux traditionnelles. Au magasin de Paris-Beaubourg, on compte par exemple trois îlots de 3 SCO. « C’est un service en plus, mais pour une grande surface de bricolage, l’intérêt est relatif, regrette un responsable de l’enseigne. C’est notamment compliqué pour le gros matériel. »
Des machines sur mesure
Planches, meubles ou sacs de ciment ont en effet un poids et un encombrement peu adaptés à la manipulation. Sans parler du fait que certains produits ont deux codes à barres – fournisseur et distributeur –, un élément propice aux erreurs.
Il y aurait en outre en GSB et GSS moins de pression sur les marges et les coûts salariaux qu’en hypers, où 60 % des effectifs sont en caisse.
- Mais cela n’arrête pas Ikea, qui déploie 16 SCO par magasin, notamment à Roissy (95) et Plaisir (78). Des machines développées sur mesure par Wincor « en fonction du cahier des charges du Suédois » : écran tactile, scanner et paiement par CB, agents de sécurité sur le terrain dissuadant la fraude.
- Chez Décathlon aussi, l’innovation est à l’honneur avec, pour la première fois en textile, des SCO permettant de désactiver les soft tags. Trois versions de caisses LS panier ont été développées pour l’équipementier ces dernières années, cette nouvelle génération étant déjà en fonctionnement à Croissy-Beaubourg (77) et Montreux (Suisse). Et plusieurs centaines d’unités auraient été commandées.
Bref, les fabricants ont enfin passé la seconde pour faire évoluer les SCO panier : moins encombrants, personnalisables, modulables, avec grande ou petite balance, sans oublier le scan vertical. « Plus pratique, plus efficace et moins cher que l’horizontal, il devrait le remplacer », assure Laurent Houitte, chez Wincor Nixdorf.