Le Travel Retail décolle, profitez-en.

travel retailCréé en 1947, au début le Travel Retail se résumait à l’achat en détaxe de produits d’équipements. Aujourd’hui, je pourrai dire qu’il est devenu un véritable canal de distribution. Nous devons désormais placer le Travel Retail, au même titre que les autres canaux, dans les approches « omnicanal » des concepts retail. Pour certaines marques, surtout celle du luxe, le Travel Retail devient même stratégique.

Il occupe même une position centrale au sein des différents canaux de distribution. Le Travel Retail se situe entre le magasin (qui oblige le consommateur à se déplacer) et le web (là, c’est la marque qui se rend virtuellement chez le consommateur). Avec le Travel Retail, les marques et enseignes se sont physiquement déplacées pour être sur le passage des consommateurs.

Et les investissements sont très importants. F. Plantecoste – directeur du Global Travel Retail chez Pernod Ricard – illustre ce propos en précisant « qu’on envisage une implantation à l’aéroport Charles de Gaulle comme on prévoit l’ouverture d’une boutique avenue Montaigne. Il faut compter environ 20000€ du mètre carré ! »

Le concept et la stratégie retail.

  1. le temps.

Les consommateurs ne contrôlent pas forcément le temps qu’ils passent dans un aéroport. Bien souvent le 1er objectif est de franchir les contrôles de sécurité. Une fois passés, les consommateurs doivent attendre l’embarquement. C’est à ce moment là que le Travel Retail entre le plus généralement en jeu. En effet, les consommateurs vont avoir du temps « libre ». La majeure partie des consommateurs (environ 65%) passent maximum un quart d’heure dans un magasin à l’aéroport. A contrario, cela signifie que plus d’un consommateur sur trois y reste plus de 15 minutes.

  1. le merchandising

travel retailIci le concept retail doit avant tout être vu comme une vitrine. Il faut absolument séduire le consommateur. Chaque marque doit vouloir faire ressortir son concept par rapport à celui des autres. Ensuite, quand ce 1er pas est franchi, la marque va devoir éduquer, émerveiller et fidéliser le client.

D’ailleurs, Swarovski a imaginé un mobilier merchandising spécifique. Un meuble self-service qui pivote sur lui-même, comme un tourniquet de cartes postales, et qui permet au consommateur de rapidement identifier un modèle. Le Groupe précise que 500 000 pièces sont vendues chaque année grâce à ces 800 meubles, déployés à travers les aéroports du monde entier. »

« La clé, c’est le client. Aujourd’hui, celui-ci est au centre des préoccupations des aéroports : la gestion des flux, la multiplication de l’offre, la montée en gamme des enseignes, tout est fait pour satisfaire, séduire et vendre à tous les passagers une part de rêve. »

  1. l’ambiance

Dans un aéroport, le consommateur ne se trouve dans des conditions habituelles d’achat. Les consommateurs ont envie de flâner. Ainsi, lors d’un passage dans un aéroport, plus de neuf passagers sur dix entreront dans un magasin, et presque un passager sur deux entrera à la fois : dans un espace de « Duty Free » classique, dans un magasin plus spécialisé (comme le prêt-à-porter) et dans un restaurant !

De plus pour conforter cet esprit de flânerie, les boutiques en « open space » permettent aussi d’attirer une clientèle qui n’aurait peut-être pas osé pousser la porte d’entrée d’une boutique de luxe en centre de ville !

Chiffres et perspectives.

Aujourd’hui, 5 milliards de passagers dépensent chaque année plus de 60 milliards $ dans les boutiques « Duty Free » des aéroports. Dans les études faites à ce sujet :

– la grande majorité des répondants ont dépensé environ 5% de leur budget shopping dans des boutiques d’aéroports durant ces six derniers mois.

– 48% des répondants admettent que trois quarts de leurs achats dans les aéroports sont des achats impulsifs.

– 77% des acheteurs mentionnent les vêtements et les chaussures comme achat impulsif n°1.

Si l’on se projette sur l’un des aéroports les plus performants du monde, le Travel Retail représente beaucoup. Dans un article du Telegraph de janvier 2015, intitulé « Why airport retail is taking off », E. Pithers écrivait : « les ventes de Noël 2014 ont atteint les 200 millions de livres sterling (environ 280 millions d’euros) à Heathrow. »

Enfin, l’avenir s’annonce radieux. Les projections chiffrées, de compagnies comme Airbus, laissent entendre que le trafic passager va doubler d’ici à 2020, avec un réservoir phénoménal de touristes chinois. Population qui accorde 85% de son « budget voyage » au shopping !

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Le Travel Retail permet de tester, grandeur nature, de nouveaux concepts, de nouveaux produits, de nouveaux services. Les marques vont pouvoir étudier l’impact des nouveautés sur les différentes populations.

Les produits.

travel retailDe plus, il faut oublier les parfums, alcools et cigarettes. Le luxe a une vraie carte à jouer.

A. de Buffevent – directrice du style chez Martell-Mumm Perrier-Jouët – nous l’explique : « Le Travel Retail n’est plus le parent pauvre du retail. Nous n’avions qu’un exemplaire de « Premier Voyage » (une préparation spéciale, disponible en édition très limitée, à 10000€, la bouteille) à disposition et il s’est vendu dès le premier week-end ! Aujourd’hui, dans les aéroports, les clients sont prêts à faire de gros chèques. » Ce que confirme F. Plantecoste : « on est loin du cadeau souvenir à 3,50€. »

Autre exemple, LVMH avec une boutique d’aéroport dédiée aux cuvées exceptionnelles et aux grands crus de champagnes : Veuve Clicquot, Krug, Dom Pérignon. L’espace Moët Hennessy met en vente en aéroports, des produits rares ou introuvables, des bouteilles recherchées par les cavistes, des grands millésimes, des jéroboams ou des éditions particulières qui frôlent parfois les 25000€.

Pour les bijoux, c’est la même chose : P. Zottl – vice-président Travel Retail du groupe Swarovski précise : « que plus de la moitié des 2 milliards d’€ de CA en 2015 est réalisée auprès d’une «population flottante» composée de voyageurs et touristes au sein des aéroports, boutiques touristiques, avions et bateaux de croisières ».

Dans son article « The Anatomy of Travel Retail » de juillet 2015, le journaliste L. Solca affirme que les voyageurs représentent 40% des ventes mondiales des produits de luxe personnels et que 12% de ces ventes se font dans les canaux dédiés du Travel Retail.

La clientèle.

Il s’agit d’une clientèle mondiale, une clientèle internationale. C’est une clientèle très exigeante. Mais aussi très attirée par le shopping. Il est donc primordial de proposer une offre suffisamment large, mais de très haut de gamme, d’utiliser des concepts nouveaux et de choisir des emplacements de tout premier plan. Enfin, il est fondamental de se préparer au mieux à la venue des potentiels clients et de les accompagner jusqu’à l’achat.

Mais il existe aussi d’autres types de clients :

  • les clients de certains pays émergents, chez qui les achats « Duty Free » ont valeur de reconnaissance sociale
  • de nouveaux clients : pour les classes moyennes qui accèdent au tourisme aérien, notamment en Chine et en Inde, les boutiques « Duty Free » constituent souvent le premier contact avec certaines grandes marques.

Les services.

Aujourd’hui, vous avez même la possibilité de récupérer vos achats, effectués avant votre voyage, à votre retour ou bien les faire livrer chez vous !

D’ailleurs, certains aéroports proposent de nouveaux services : l’aéroport d’Heathrow a engagé 38 personal shoppers pour accompagner environ 2 000 clients par mois. Ces derniers permettent d’enregistrer régulièrement des ventes de plus de 100 000 livres sterling par transaction.

Avis tranché.

C’est évidemment un canal de distribution à prendre en compte et à ne plus laisser de côté. Les situations dans lesquelles les consommateurs ont le temps de flâner et avec l’esprit libre sont rares.

Ensuite (et c’est là où ce devient très intéressant), c’est un métier très complexe. Il ne suffit de dupliquer un concept imaginé pour un centre-ville ou un centre commercial.

La marque doit être vigilante sur l’emplacement de la boutique. Les marques dans les terminaux Low-cost et vols intérieurs, ne sont pas les mêmes que celles dans les terminaux internationaux.

Ensuite, il faut aussi prendre en compte les provenances et destinations des vols. Il faut ainsi un concept modulable pour pouvoir s’adapter aux différents profils de consommateurs. Par exemple, les langues parlées par le personnel de la boutique sont prépondérantes dans la réussite commerciale d’un Point de vente en aéroport. Ce que nous appelons le « dynamic live merchandising » : ajuster son mix vendeurs en fonction du mix voyageurs.

Ensuite, les marques présentes peuvent voir encore plus large. En effet, il ne faut plus uniquement considérer les gens qui atterrissent mais aussi ceux qui partent. Il faut inviter les consommateurs à commencer leur shopping avant même d’être monté dans l’avion.

Et ça va même plus loin…

Le Travel Retail prend aussi une part stratégique dans les performances globales des aéroports. Aujourd’hui les études montrent que l’expérience shopping devient pour le voyageur un critère de moins en moins négligeable lors du choix d’un itinéraire. Un espace retail apprécié pourra influencer sur les prochains voyages ou dans le choix des escales.

Et ça va même encore plus loin…

Enfin, et c’est une tendance qui se confirme, le Travel Retail ne se trouve plus uniquement sur des trajets pour se rendre sur son lieu de vacances ou de travail. Le Travel Retail peut devenir La destination et Le motif du voyage. Sur les îles Kinmen à Taïwan, le Groupe Ever Rich a construit le plus grand complexe « Duty Free » d’Asie, ciblant la classe moyenne chinoise. Ce projet a eu pour effet d’augmenter de 30% le nombre de touristes sur l’île.

Les perspectives du Travel Retail sont belles. Et comme sur les autres canaux de distribution, les marques et enseignes n’ont pas le droit à l’erreur. La stratégie retail, le concept architectural, l’approche merchandising mais aussi les compétences des vendeurs sont autant de facteurs clé de succès.

a. casseleux

consultant chez square 90 / rédacteur sur projecteur retail

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Sources : Consultor, Les Echos, Voyagezen, Retail Detail (Belgique) et Retail Intelligence.